RomanSafran Foer,JonathanTout est illuminé - Safran Foer,Jonathan by Safran Foer Jonathan

RomanSafran Foer,JonathanTout est illuminé - Safran Foer,Jonathan by Safran Foer Jonathan

Auteur:Safran Foer,Jonathan [Safran Foer,Jonathan]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: L'Olivier
Publié: 2004-03-07T23:00:00+00:00


Ne pleure pas, mon amour,

Ne pleure pas, mon amour,

Ton cœur est près de moi.

Putain de salope,

Connasse ingrate,

Ton cœur est près de moi.

Oh, ne crains rien,

Je suis plus proche que proche,

Ton cœur est près de moi.

Je t’arracherai les yeux

Et te fracasserai la tête,

Sale garce, putain,

Ton cœur est près de moi.

Leurs dernières conversations (quatre-vingt-dix-huit, quatre-vingt-dix-neuf et cent) furent des échanges de vœux, qui prirent la forme de sonnets que Brod lisait dans un des livres préférés de Yankel – un bout de papier en tomba sur le plancher : Il fallait que je le fasse pour moi –, et des plus abominables obscénités de Shalom-puis-Kolkien-maintenant-Safran, qui ne signifiaient pas ce qu’elles disaient, mais parlaient en harmoniques que son épouse seule pouvait entendre : Pardon que cela ait été ta vie. Merci d’avoir fait semblant avec moi.

Tu es en train de mourir, dit Brod, parce que c’était la vérité, la vérité non reconnue et qui dévorait tout et qu’elle était fatiguée de dire des choses qui n’étaient pas la vérité.

C’est vrai, dit-il.

Qu’est-ce que cela te fait ?

Je ne sais pas, à travers le trou. J’ai peur.

Tu n’as pas besoin d’avoir peur, dit-elle. Tout ira bien.

Comment est-ce que tout ira bien ?

Ça ne fera pas mal.

Je ne crois pas que c’est ce dont j’ai peur.

De quoi as-tu peur ?

J’ai peur de ne pas être vivant.

Tu n’as pas besoin d’avoir peur, dit-elle encore.

Silence.

Il passa son index par le trou.

J’ai quelque chose à te dire, Brod.

Quoi ?

C’est quelque chose que je veux te dire depuis que je t’ai rencontrée et que j’aurais dû te dire depuis longtemps, mais plus j’ai attendu, plus c’est devenu impossible à dire. Je ne veux pas que tu me haïsses.

Je ne pourrais pas te haïr, dit-elle, et elle lui prit le doigt.

Tout ça est complètement de travers. Ce n’est pas comme ça que je voulais que ce soit. Il faut que tu le saches.

Chut… chut…

Je te dois tellement plus que cela.

Tu ne me dois rien du tout. Chut…

Je suis mauvais.

Tu es bon.

J’ai quelque chose à te dire.

Tout va bien.

Il appliqua ses lèvres contre le trou. Yankel n’était pas ton vrai père.

Le collier de minutes se brisa. Elles tombèrent sur le plancher et roulèrent à travers la maison où elles se perdirent.

Je t’aime, dit-elle, et pour la première fois de sa vie les mots avaient un sens.

Au bout de dix-huit jours, le bébé – qui, l’oreille appuyée contre le nombril de Brod, avait tout entendu – naquit. Épuisée par le travail de l’accouchement, Brod s’était enfin endormie. Quelques minutes plus tard, ou peut-être à l’instant précis de la naissance – la maison était si entièrement éprise d’une vie nouvelle que nul ne prit conscience d’une nouvelle mort –, Shalom-puis-Kolkien-maintenant-Safran mourut, sans avoir jamais vu son troisième enfant. Brod regretta par la suite de ne pas savoir précisément quand son époux s’était éteint. Si ç’avait été avant la naissance de l’enfant, elle l’aurait nommé Shalom, ou Kolkien, ou Safran. Mais la coutume juive interdisait de donner à un enfant le nom d’un parent vivant.



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